Du modèle ADDIE au modèle ADGIE : et si l’IA réinventait la conception pédagogique ?
27 août 2025
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min
Dans le monde de la formation professionnelle, certains acronymes sont devenus des piliers. Parmi eux, ADDIE (Analyse, Design, Développement, Implémentation, Évaluation) s’est imposé comme la méthodologie de référence pour les ingénieurs pédagogiques. Mais à l’heure où ChatGPT, DALL·E et autres IA génératives s’invitent dans les salles de formation, cette vieille structure linéaire ne suffit plus. Lors de ma veille L&D estivale, je suis tombé sur un papier scientifique proposé par les chercheures Khadija Hilali et Meriyem Chergui. Elles y proposent de repenser le modèle d’ingénierie ADDIE pour y intégrer dès le départ l’intelligence artificielle. Ainsi naquit le modèle ADGIE, un cadre de conception pédagogique qui intègre l’IA à chaque étape du processus, sans jamais reléguer l’humain au second plan. Voici pourquoi, selon moi, ce modèle pourrait bien devenir la nouvelle norme dans l’univers du learning design “augmenté”.
©Blify
Pourquoi ADDIE ne suffit plus
Inventé dans les années 70 pour formaliser la création de dispositifs pédagogiques, le modèle ADDIE reste aujourd’hui massivement utilisé dans les entreprises, les universités et les organismes de formation. Il offre un cadre structurant, adaptable et éprouvé.
Mais face aux transformations du monde du travail et à l’explosion des technologies éducatives, ses limites deviennent criantes :
Des cycles longs, peu compatibles avec les attentes d’agilité des entreprises.
Une personnalisation souvent limitée des parcours d’apprentissage.
Une faible capacité à intégrer de façon fluide les nouveaux outils numériques, notamment l’IA.
Comme le rappellent Hilali et Chergui, créatrices du modèle ADGIE, « les modèles classiques comme ADDIE manquent de mécanismes de personnalisation, de collaboration humain-machine, et de boucles itératives de validation ». Résultat : l’expérience d’apprentissage est souvent trop rigide, peu adaptée à la diversité des apprenants et à l’évolution rapide des besoins métiers.
ADGIE : un modèle né pour l’ère de l’IA
ADGIE (Analysis, Design, Generation, Individualization, Evaluation) ne se contente pas d’ajouter une couche technologique à ADDIE. Il repense en profondeur la répartition des rôles entre humain et machine. À chaque étape, les actions sont attribuées soit à l’IA, soit au concepteur pédagogique (le « designer »), soit aux deux, en fonction de leurs points forts respectifs.
Le modèle repose sur 3 piliers :
Une collaboration explicite humain-IA, clarifiée par des mots-clés dans le processus.
Un cycle itératif, avec validation humaine continue et feedback des apprenants.
Une personnalisation avancée rendue possible par l’analyse des données d’apprentissage en temps réel.
En bref, ADGIE, c’est ADDIE… dopé à l’intelligence artificielle, mais encadré par l’humain.

Zoom sur les 5 phases du modèle ADGIE
1. Analyse
L’IA entre en scène dès cette première phase, en exploitant des techniques de NLP pour générer automatiquement des profils d’apprenants à partir de questionnaires ou de verbatims. Le concepteur valide ensuite les personas et affine les besoins.
2. Design
L’humain garde la main sur la stratégie pédagogique, mais s’appuie sur l’IA pour structurer les contenus, suggérer des plans de formation ou générer des scénarios-types. Un gain de temps considérable, sans perte de pertinence.
3. Génération
C’est ici que l’IA montre toute sa puissance : création de vidéos, visuels, podcasts, quiz… À condition que le designer joue son rôle de chef d’orchestre, en validant, ajustant, voire retravaillant les contenus générés.
4. Individualisation
Grâce au suivi des données d’apprentissage, l’IA adapte les contenus en fonction des préférences, difficultés ou intérêts spécifiques de chaque apprenant. Un feedback vidéo pour remplacer une explication texte, un cas pratique pour approfondir un point sensible : le parcours devient vivant, évolutif, personnalisé.
5. Évaluation
Cette phase transversale est le cœur battant du modèle. Elle repose sur une boucle continue de validation humaine et de retours apprenants. L’objectif : garantir la cohérence pédagogique, corriger les biais éventuels de l’IA, et faire évoluer en permanence les ressources.
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Ce que révèle l’étude terrain : les professionnels de la formation sont prêts
Pour construire ce nouveau cadre, les chercheuses ont mené une enquête auprès de 90 professionnels de l’éducation et de la formation. Résultat : un enthousiasme clair pour les apports de l’IA… à condition de ne pas sacrifier la rigueur pédagogique.
94 % des répondants plébiscitent l’automatisation de la création de contenus.
86 % souhaitent une aide au structuration des connaissances.
91 % estiment indispensable de valider eux-mêmes la pertinence des contenus générés.
Mais seuls 49 % se disent « très prêts » à déléguer le choix des méthodes pédagogiques à l’IA.
Autrement dit : oui à l’automatisation intelligente, non à la déresponsabilisation. Le modèle ADGIE s’inscrit précisément dans cette logique d’équilibre entre efficacité technologique et exigence pédagogique.
Des bénéfices mesurables… mais des défis à relever
À la lecture de cette étude, je retire donc qu’adopter ADGIE, c’est faire un pas vers :
Une réduction des temps de conception grâce à l’automatisation.
Une personnalisation poussée des expériences d’apprentissage.
Une montée en compétence des concepteurs, qui se concentrent sur les tâches à haute valeur (cohérence, supervision, innovation pédagogique).
Une meilleure réactivité face aux besoins métiers en constante évolution.
Mais le modèle ne fait pas tout tout seul. Il exige :
Une qualité élevée des données pour entraîner les IA.
Une formation sérieuse des concepteurs à ces nouveaux outils.
Une vigilance éthique sur les biais algorithmiques, l’équité d’accès et la confidentialité.
ADGIE : une réponse concrète aux attentes des entreprises ?
Dans un contexte de transformation accélérée des compétences, de pénurie de formateurs, et de pression budgétaire sur les directions L&D, le modèle ADGIE apparaît comme une alternative concrète à la formation traditionnelle.
Les entreprises qui l’adoptent pourront :
Industrialiser la conception pédagogique sans sacrifier la qualité.
Déployer rapidement des contenus adaptatifs dans plusieurs filiales ou zones géographiques.
Donner de la visibilité au rôle du formateur, en tant que garant du sens et du lien humain, plutôt que simple producteur de slides.
Des organisations comme Safran ou LVMH explorent déjà des hybridations entre IA et modèles classiques (comme ADDIE), avec des outils comme Synthesia ou GPT Creator. ADGIE pousse cette logique plus loin, en intégrant l’IA dès la racine du processus.
Conclusion : une boussole pour la prochaine génération de concepteurs d'apprentissage
ADGIE me semble une tentative sérieuse de penser un design pédagogique ancré dans les capacités de l’IA, mais aussi dans la responsabilité humaine. Il ne s’agit pas de remplacer les concepteurs pédagogiques, mais de les armer pour une nouvelle ère. Et c’est exactement la vision que l’on porte chez Blify.
Le modèle pose des bases solides pour répondre aux enjeux contemporains : formations sur-mesure, agilité, évolutivité, éthique. Il appelle toutefois à une validation empirique à grande échelle, notamment chez des vendors comme Blify, dans les universités et les centres de formation professionnelle.
Une chose est sûre : à l’heure où chaque entreprise se demande comment faire « plus avec moins », ADGIE ouvre une voie prometteuse. Une voie où l’IA devient un allié, pas un substitut. Une voie où le designer reste au centre, mais mieux équipé que jamais.
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FAQ
Qu’est-ce que le modèle ADGIE ?
Le modèle ADGIE est une évolution du modèle ADDIE qui intègre l’intelligence artificielle à chaque étape de la conception pédagogique, tout en conservant une supervision humaine rigoureuse.
Quelle est la différence entre ADDIE et ADGIE ?
Contrairement à ADDIE, ADGIE inclut une phase de génération automatisée de contenus par l’IA et une phase d’individualisation, qui permet de personnaliser les parcours selon les besoins des apprenants.
Pourquoi adopter le modèle ADGIE dans la formation professionnelle ?
ADGIE permet de réduire les temps de conception, de personnaliser les contenus et d’intégrer les apports de l’IA sans renoncer à l’expertise pédagogique humaine.
L’IA va-t-elle remplacer les concepteurs pédagogiques ?
Non. Le modèle ADGIE repose sur une collaboration explicite entre IA et humains. L’IA automatise les tâches répétitives, le designer garde la main sur la stratégie, la supervision et la qualité pédagogique.
Le modèle ADGIE est-il déjà utilisé ?
Il s’agit d’un modèle récent, en cours de validation. Des travaux sont en cours pour développer des outils auteurs basés sur ADGIE et tester son efficacité dans des environnements réels, notamment chez Blify.
Auteur(s)

Clément Lhommeau
Cofondateur, Blify
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